Haikus d'Hiver
Le temps d'un souffle, le poème coïncide tout à coup avec notre exacte intimité, provoquant le plus subtil des séismes. "Ravissement soudain dans l'imprévisible". Juste un tressaillement complice.
Floraison spontanée d'une évidence, le haiku se découpe d'ordinaire sur la toile de fond d'un mot-saison (kigo). Ce mot-clé marque l'importance que les Japonais accordent aux circonstances, toujours uniques, jamais dues au seul hasard, mais bien à un lien prédestiné qui unit les êtres et les choses, et duquel découle une attention et un respect particulier envers l'autre, perçu comme le miroir de nous-même. Le haiku s'offre toujours comme une salutation (aisatsu), un hommage au moment présent.
En contrepoint à l'émotion fugitive du haiku, le kigo marque le durable de l'univers.
C'est à voix haute, comme un chant, que le haiku se lit.
Le haiku, forme poétique la plus courte du monde, se compose de trois phrases de 5, 7, et 5 syllabes, soit une seule ligne en japonais. Il remonte au tanka, "poème court" qui consiste en cinq vers de 5, 7, 5, 7 et 7 syllabes. La première partie ou hokku (5-7-5) doit évoquer la saison, la nature, tandis que la seconde (7-7) lie la scène à un sentiment ou à une émotion spécifique.
Cet art de suggérer un état intérieur sans le décrire (yûgen) est précisément considéré au Japon comme l'essence même de la poésie.
Haiku : anthologie du poème court japonais, Poésie Gallimard, 2002.
Matin du premier jour-
dans le poêle
quelques braises de l'an passé
(Hino Sôjô p.166)
Au milieu de la vie
au milieu de la mort
la neige sans répit
(Taneda Santôka p.171)
Là
tout simplement
sous la neige qui tombe
(Kobayashi Issa p.174)
Merveille !
pisser debout
sous un déluge de grêle !
(Kobayashi Issa p.177)
Sur son cheval
dans le vent qui cingle
l'homme au regard fixe
(Ryôkan p.178)
Concombre de mer-
tu n'as ni queue
ni tête !
(Mukai Kyorai p.187)